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5 jours sur les routes du Yukon et de l’Alaska

Entre nos deux volontariats dans le Yukon, nous avions cinq jours de libre. L’occasion rêvée de repartir sur les routes canadiennes et… américaines ! Nous avons ainsi décidé de faire la « Boucle de l’or » (The Golden Circle), un itinéraire entre le Yukon et l’Alaska célèbre pour ses paysages qui sont des pépites pour les yeux, mais aussi pour son rôle joué lors de la ruée vers l’or. Cet itinéraire nous a donné un bel aperçu de l’Alaska et nous a menées sur des routes au panorama incroyable, de quoi nous décrocher des « Oh » et des « Ah » toutes les deux minutes.


Nous voilà donc parties le jeudi 21 mars 2019 dans notre voiture de location verte sapin comme les arbres yukonnais. Un grand sentiment de liberté nous a envahies, libres d’aller où bon nous semblait après un mois de volontariat, ainsi que le sentiment d’être seules au monde en roulant sur de si longues routes très peu fréquentées au décor surréaliste. On a rarement eu un aussi beau paysage dans notre rétroviseur.





C’est le début du printemps, qui arrive plus tôt que les années précédentes – et bien plus tôt que la normale, les routes sont praticables et la neige fond à vue d’œil. Les paysages sont dans l’entre-deux printanier, à la fois blancs et gris-noir, tout comme les chemins qui alternent entre la neige, la glace et la boue, un mélange explosif pour randonner ! C’est la basse saison, les ours sortent progressivement de leur tanière mais les touristes en revanche ne sont pas encore de sortie. Seul inconvénient, la plupart des services et commerces sont fermés jusqu’en mai…la tranquillité a donc ses défauts !



Haines Junction, aux portes des glaciers

Nous commençons notre périple à Haines Junction, le point de chute idéal pour découvrir le Kluane National Park, la plus grande aire protégée au monde qui abrite le Mont Logan, le point culminant du Canada. Nous sommes entourées par de hautes montagnes enneigées qui semblent être les gardiennes du village (et qui sont aussi son seul point d’intérêt). Même dans la douche de notre auberge de jeunesse, une petite fenêtre nous offre une vue sur les montagnes au loin. Il n’en fallait pas plus pour nous séduire, et pourtant, nous ne sommes pas au bout de nos surprises.




Nous restons deux jours à Haines Junction pour profiter du parc qui fait deux fois la taille de la Suisse. Ah le Canada et ses proportions démesurées… Il n’y a qu’une seule chose à faire à Haines Junction : randonner ! Et éviter les ours… Nous sommes dans le territoire des ours et le printemps arrivant, les ours commencent à se réveiller de leur long sommeil hivernal. Le problème avec les ours, c’est que l’on a autant envie de les voir que de ne pas les voir. On lit bien le livret « Comment se comporter au pays des ours » qui m’affole encore plus quand je lis un paragraphe bien alarmant : « En cas d’attaque, défendez vous et n’abandonnez pas, il en va de votre vie ! ». Ok, je suis prête à chanter pendant trois heures si c’est nécessaire pour éviter un ours. C’est pour cette raison que notre cœur a fait un bond quand après avoir croisé dans la neige une trace fraîche d’un gros animal (« Un ours ? » se demande-t-on), on a entendu du bruit dans un fourré tout proche. Et non, ce n’est que de la neige qui tombe d’un arbre, merci la fonte des neiges, tu nous auras fait une belle frayeur ! Nous voyons par contre des mouflons (ça, on veut bien) pendant la randonnée Sheep Creek qui porte bien son nom.




Trempées et épuisées de marcher et de s’enfoncer dans une grande quantité de neige, nous devons faire demi-tour avant la fin de cette randonnée. Être seules au milieu de ce paysage est une expérience insolite : contempler cette vue et cette immensité en sachant qu’il n’y a personne des kilomètres à la ronde, hormis peut-être des ours, est plutôt impressionnant.



Deux jours plus tard, nous quittons Haines Junction, le Yukon et le Canada. Direction les États-Unis pour la première fois de notre vie. Avant de partir de notre volontariat au B&B Hidden Valley, Eva nous a glissé une enveloppe avec une instruction : ne l’ouvrez pas avant d’être arrivées en Alaska. Trop curieuses, nous l’ouvrons à Haines Junction : un gentil mot pour nous remercier de notre aide et…plusieurs billets américains ! Nos tout premiers dollars américains en main nous font l’effet de billets de Monopoly. On vérifie quand même sur Internet pour être sures que ce n’est pas une blague, mais non, ce sont bien de vrais billets. Plus d’un siècle plus tard, c’est la nouvelle ruée vers l’or !





Avant d’arriver en Alaska, nous quittons le Yukon, changeons de province et traversons une petite partie de la Colombie Britannique dont on ne verra que du gris. Nous parvenons à la frontière américaine dans la brume et sous la pluie. Quel accueil ! Le passage à la frontière se déroule sans encombre et les douaniers nous délivrent notre visa touristique pour les États-Unis sans interrogatoire intensif.





Haines la pluvieuse

Notre premier aperçu de l’Alaska aura été la pluie, que nous n’avions pas vue depuis cinq mois, et qui ne nous avait pas manqué. Nous nous arrêtons à Haines, petit village de pêcheur niché entre des montagnes et un fjord.




Ce charmant village abrite d’ailleurs le musée du marteau. Un musée 100% américain. Malheureusement pour nous, le musée est fermé, comme la plupart des attractions de la ville à cette période de l’année.





Malgré le mauvais temps, on part se balader au bord de l’eau. La grisaille donne un certain charme au paysage et le temps se lève progressivement pour nous laisser admirer les montagnes du fjord.


Haines la pluvieuse, mais Haines la joyeuse. Ses habitants qu’on croise sur le chemin sont souriants et aimables. On nous avait dit que même si Haines est très proche du Yukon et que l’Alaska est séparée du reste des États-Unis, ces Américains restent des Américains et leur état d’esprit n’est pas celui des Yukonnais. Mais comme les Canadiens, qu’il pleuve ou qu’il vente, ils sont dehors à faire du sport ou promener leur chien.


Nous dormons face à la vue sur le fjord et nous repartons le lendemain par le ferry qui relie Haines à Skagway. Heureusement pour nous, le temps s’est dégagé car la traversée est grandiose. Les montagnes se reflètent dans les eaux turquoise du fjord. Nous sommes les seules sur le pont à prendre des photos, à croire qu’ils sont tous habitués à ce mode de transport qui équivaut peut-être pour eux à un trajet en tramway.







Skagway l’authentique

Notre arrivée à Skagway est un choc. On ne s’attendait pas à un tel décor ! La seule chose que nous savions sur Skagway avant d’y mettre les pieds, c’est à quel point il est difficile d’y réserver une nuit d’hôtel. Et en arrivant dans la ville, nous comprenons pourquoi. Nous arrivons dans un décor de western, comme si le temps s’était figé en 1898 et que plus rien n’avait changé depuis. Seuls les magasins de souvenirs et les voitures nous rappellent que nous sommes en 2019 et que Skagway vit désormais du tourisme. Mais en basse saison, de septembre à mai, la ville se vide de tous ses touristes et marche au ralenti. Heureusement qu’il faisait beau, sinon l’ambiance aurait été franchement lugubre et Skagway aurait eu des allures de ville fantôme. Nous sommes donc seules à nous balader dans les rues, à admirer toutes les façades des magasins fermés en cette saison, en ayant l’impression d’avoir la ville pour nous. On est probablement les seules touristes de la ville et une grande question nous trotte dans la tête : « Va-t-on pouvoir manger ce soir ? ». Nous posons nos affaires dans le seul hôtel ouvert, qui nous a surclassées puisqu’on était les seules clientes de la journée, probablement de la semaine et peut-être même du mois - on passe avec grand plaisir de la chambre économique au lit King’s size. Le propriétaire nous oriente vers le seul restaurant ouvert. On découvre avec stupéfaction que toute la ville semble s’y être regroupée, il y a en fait de la vie à Skagway !


On quitte avec regret Skagway et la dernière étape de notre road trip pour rejoindre le Canada et le Yukon. On emprunte la White Pass, encore une route où on en prend plein les yeux ! Des montagnes blanches majestueuses se dévoilent dans toute leur splendeur à chaque virage.



On quitte l’Alaska, ses montagnes et son fjord pour rentrer en terre canadienne en passant par la frontière où nous attend un douanier suspicieux. Angélique au volant voit un panneau "Stop" mais ne voit pas la ligne d’arrêt. Alors qu’on s’arrête quelques centimètres plus loin, le douanier arrive et nous crie qu’il fallait s’arrêter avant. On s’excuse en bafouillant mais le mal est fait : nous paraissons suspectes. Il nous demande nos pièces d’identité, et nous fait un interrogatoire complet : d’où vient-on, qu’a-t-on acheté aux États-Unis, où travaille-t-on, etc. Il demande à Angélique son PVT et m’apercevant qu’il va sûrement me le réclamer aussi, j’ouvre la porte pour sortir prendre le papier dans mon sac. Il me hurle dessus : « Stay in the car ! ». Un peu plus et j’allais me retrouver sur le capot avec des menottes. Il se rend finalement compte qu’il n’a rien à craindre avec nous et nous laisse gentiment partir en se radoucissant. On redoutait la douane américaine qui a la réputation d’être intraitable mais finalement, c’est celle du Canada qui nous aura donné des sueurs froides.



Notre dernière étape se situe tout près de Whitehorse : Carcross, célèbre pour abriter le plus petit désert du monde. Difficile à croire étant donné qu’il est situé dans le grand nord canadien mais nous marchons bel et bien dans des dunes de sable. Quelle étrange sensation de fouler le sable après avoir si souvent marché dans la neige…



La boucle est finalement bouclée : nous revenons à Whitehorse cinq jours après l’avoir quitté. Ce road trip aura été court mais intense et riche en émerveillement. Nul besoin de se ruer vers l’or de la région, les paysages sont à eux tout seuls des diamants bruts !

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